Philosophie de l'esprit

Dans la tradition philosophique, l'esprit est généralement conçu comme différent du corps, et comme relevant d'un ordre de réalité plus élevé.

La philosophie de l'esprit (de l'anglais : philosophy of mind) est une branche de la philosophie qui se propose d'étudier la nature de l'esprit (mind), ainsi que sa relation avec le monde physique. Le problème corps-esprit entendu au sens large – problème de la relation des états mentaux au corps –, est communément considéré comme la question centrale de la philosophie de l'esprit, bien que d'autres interrogations sur la nature des états mentaux ne concernent pas le corps, ou fassent directement référence à l'environnement (physique ou social) des individus. La philosophie de l'esprit peut aussi questionner la réalité même des phénomènes mentaux, acceptant alors la possibilité que l'esprit n'existe pas tel que nous le concevons ou tel que nous en faisons l'expérience « de l'intérieur ». Historiquement, le dualisme corps-esprit et le matérialisme sont les deux principales écoles de pensée qui ont donné une réponse à la question de la nature de l'esprit et de sa relation avec le monde physique.

La philosophie de l'esprit vise à comprendre la nature des phénomènes mentaux, non pas directement sur des bases empiriques, mais principalement par le biais d'une analyse des concepts mentaux. En ce sens, elle se distingue de la psychologie cognitive, qui est une étude empirique des phénomènes mentaux concernant les organismes où ils apparaissent. Elle se distingue également de la philosophie de la psychologie, qui est une étude des méthodes, concepts et résultats de la psychologie empirique. Sa spécificité majeure, d'où vient aussi sa principale difficulté, réside dans le fait de devoir expliquer comment les mêmes phénomènes mentaux peuvent être visés au travers des deux perspectives, exclusives l'une de l'autre, que sont le point de vue « en première personne » (subjectif) qui semble nous les faire connaître directement « de l'intérieur », et le point de vue « en troisième personne » (objectif) fondé sur l'observation du comportement « extérieur » ou du cerveau[1].

Une façon de comprendre le projet de la philosophie de l'esprit est de l'envisager comme la recherche d'une troisième voie entre les paradigmes cartésien et béhavioriste. Tandis que l'attitude cartésienne accorde la priorité à l'introspection, c'est-à-dire à la perspective en première personne – l'autre perspective ne permettant qu'un accès indirect aux phénomènes mentaux – l'attitude béhavioriste, au contraire, insiste sur la nécessité de s'en tenir à la perspective en troisième personne, celle qu'adopte un observateur extérieur. Face aux nombreuses difficultés qu'impliquent ces deux attitudes antagonistes, la philosophie de l'esprit présente aujourd'hui un panel de théories qui tentent de concilier les approches subjective et objective. Toutefois, ces théories accordent le plus souvent la priorité au second type d'approche, épousant le point de vue des sciences de la nature dans le cadre de ce qu'il est désormais convenu d'appeler le naturalisme. L'ontologie physicaliste, pour laquelle n'existe véritablement que le monde physique décrit par les sciences de la nature, est de ce fait apparue comme l'ontologie dominante dès les premiers développements de la philosophie de l'esprit.

En philosophie de l'esprit, l'expression « matérialisme » (materialism en anglais) désigne généralement les conceptions physicalistes de type réductionniste et éliminativiste, et plus particulièrement la théorie dite de l'identité esprit-cerveau. En effet, le physicalisme peut être non-réductionniste, et en ce sens non assimilable au matérialisme stricto sensu. L'approche non-réductionniste correspond pour l'essentiel au fonctionnalisme, bien que celui-ci puisse être aussi défendu dans un cadre réductionniste. En dehors même du dualisme cartésien, il existe bien sûr des alternatives au physicalisme, dont les principales sont l'émergentisme (dans sa version forte) et le panpsychisme. D'autres courants ne se prononcent pas sur la nature des états mentaux, ou s'inscrivent dans une perspective purement axiologique.

Parfois sources de malentendus, les notions de normativité et de rationalité partagent en philosophie de l'esprit un même sens qui ne recouvre que partiellement les significations qui leur sont données dans la philosophie traditionnelle.

  1. Jérôme Dokic, « Philosophie de l’esprit », dans P. Engel (dir.), Précis de philosophie analytique, Paris, Presses Universitaires de France, 2000, p. 35-62. Article en ligne.

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